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La cession Dailly est un mécanisme juridique permettant à une entreprise de céder à une banque ses créances commerciales (factures à recevoir) afin d’obtenir un financement rapide. Créée par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981, dite "loi Dailly", cette procédure facilite la mobilisation des créances professionnelles sans nécessiter l'accord préalable du débiteur. Très utilisée dans le cadre du financement à court terme, elle représente une alternative souple et efficace à l'escompte traditionnel ou à l'affacturage.
Avant l’introduction de la loi Dailly, les entreprises qui souhaitaient transformer leurs créances en liquidités devaient utiliser des procédures souvent lourdes comme l’escompte ou la cession de créances sous seing privé. Ces techniques, encadrées par le Code civil, étaient peu adaptées à la flexibilité dont les entreprises ont besoin dans leur gestion de trésorerie.
La loi Dailly a été instaurée pour moderniser ce système, en autorisant une cession simplifiée des créances professionnelles à un établissement financier, via un simple bordereau, sans nécessiter de formalités complexes ni de notification préalable au débiteur.
La cession Dailly repose sur un mécanisme très simple :
Explication du dernier point : Il n’est pas obligatoire d’informer le client (le débiteur) qu’on a cédé sa facture à la banque. Cependant, si on veut que le client soit légalement obligé de payer la banque (et non plus l’entreprise), il faut lui notifier la cession : c’est ce qu’on appelle rendre la cession "opposable"
Si l’entreprise (le cédant) n’a pas notifié la cession Dailly au débiteur (le cédé), ce dernier peut légitimement continuer à payer sa dette à l’entreprise. Dans ce cas, le paiement est considéré comme valable, même si la créance avait déjà été cédée à la banque. Juridiquement, cela signifie que la banque ne peut pas se retourner contre le débiteur, car elle n'était pas identifiée comme le nouveau créancier. C’est donc l’entreprise (le cédant) qui reste responsable vis-à-vis de la banque et devra lui reverser la somme reçue à tort. D’où l’intérêt crucial de notifier la cession pour protéger les droits de la banque.
Juridiquement, si la cession Dailly n’est pas notifiée au débiteur (le cédé), celui-ci peut parfaitement payer sa dette à l’entreprise (le cédant), croyant qu’elle en est encore titulaire. Ce paiement est valable et éteint la dette. Toutefois, la banque (cessionnaire), qui a racheté la créance, n’est alors pas payée. Elle devra donc se retourner contre l’entreprise pour récupérer la somme. Cela peut poser problème si l’entreprise a déjà utilisé les fonds reçus ou refuse de reverser l’argent. Dans ce cas, la banque subit une perte, alors qu’elle pensait détenir une créance "sûre". D’où l’intérêt pratique de notifier la cession : cela empêche le débiteur de se tromper de créancier.
Exemple concret :
L’entreprise Alpha cède une créance de 10 000 € à la Banque B, sans notifier le client (le débiteur). → Le client, non informé, paie naturellement Alpha. → Alpha utilise l’argent pour payer un fournisseur urgent. → La banque B demande ensuite à Alpha de lui reverser les 10 000 €. → Alpha répond qu’elle n’a plus la trésorerie… La banque risque donc de ne jamais être remboursée. (En particulier si l'entreprise n'est pas solvable et risque la faillite)
Le bordereau doit contenir un certain nombre de mentions obligatoires pour être valable : identification des créances, montant, date, identité du cédant, etc.
Lorsqu'une créance est cédée à la banque via le mécanisme de Dailly, le débiteur doit être notifié pour que la cession lui soit opposable. Sans cette notification, le débiteur reste en droit de payer l'entreprise (le cédant), puisqu'il n’a pas été officiellement informé que la créance a changé de main.
Juridiquement, ce paiement libère le débiteur. Il est considéré comme ayant rempli son obligation, même s’il a payé le mauvais destinataire. Résultat : la banque ne peut plus rien lui réclamer.
En théorie, la banque peut se retourner contre l’entreprise qui a reçu le paiement… mais si celle-ci est insolvable ou en faillite, la banque risque de perdre totalement la somme. Elle devra alors se contenter de faire la queue parmi les autres créanciers.
Cas pratique :
Une PME dans le bâtiment a terminé plusieurs chantiers pour lesquels elle a émis des factures à hauteur de 150 000 €. Elle ne souhaite pas attendre les 60 jours de paiement client. Elle transmet donc ces créances via un bordereau Dailly à sa banque. La banque lui accorde un financement de 135 000 € immédiatement (après déduction d'une retenue de garantie et des frais). Lorsque les clients paient, les fonds sont reversés à la banque. Si l’un des clients ne paie pas, l’entreprise devra rembourser la somme à la banque.
La cession Dailly présente plusieurs avantages majeurs pour les entreprises :
Malgré ses avantages, la cession Dailly présente quelques inconvénients :
Cas pratique :
Une entreprise informatique réalise une mission pour un grand client public. Le paiement est prévu sous 90 jours. Pour financer ses charges courantes (salaires, loyers), elle cède cette créance de 80 000 € à sa banque via un bordereau Dailly. La banque débloque 75 000 € immédiatement. Quand le client règle la facture, le montant est reversé à la banque, qui clôt le financement. En cas d’impayé, l’entreprise devra rembourser elle-même.
La cession Dailly est strictement encadrée par le Code monétaire et financier (articles L. 313-23 à L. 313-35). Le non-respect des exigences formelles (contenu du bordereau, mentions obligatoires, etc.) peut entraîner la nullité de la cession.
Il est également important de noter que la cession peut être faite à titre de garantie (en cas de prêt) ou à titre de transfert de propriété (cession "définitive").
Contrairement à l’affacturage, la cession Dailly ne comprend pas de services annexes comme le recouvrement ou l’assurance-crédit. Elle est donc généralement moins coûteuse mais aussi moins protectrice en cas d’impayé.
L’entreprise conserve souvent la gestion de la relance client, sauf si un mandat de gestion est accordé à la banque.
Bien que les deux mécanismes visent à obtenir un financement anticipé, la cession Dailly présente des différences notables par rapport à l’escompte bancaire classique.
Résumé comparatif :
Cession Dailly : Toute créance pro / simple bordereau Escompte classique : Nécessite des effets de commerce (créance particulière)
En somme, la cession Dailly est souvent préférée pour sa souplesse, en particulier par les PME qui ne souhaitent pas émettre des lettres de change.
La cession Dailly est un outil de financement court terme à la fois simple, rapide et sécurisé pour les entreprises disposant de créances clients. Elle permet d’améliorer la trésorerie sans alourdir la structure de bilan. Cependant, elle doit être utilisée avec rigueur, car elle engage l’entreprise en cas de défaillance de paiement des débiteurs.
Article à vocation pédagogique – pour mieux comprendre les leviers de financement de l’entreprise.
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